À quelques minutes du premier confinement lors de la crise de la Covid-19, toutes les chaînes d’information envoyèrent leurs journalistes interroger ceux qui savouraient « les derniers instants de liberté » dans les bistrots des grandes villes.
Plus tard, la réouverture des mêmes cafés marquait la joie collective d’un lieu essentiel retrouvé. Les bistrots, leurs terrasses, leur sociabilité étaient devenus le centre névralgique d’affects politiques et moraux, qu’ils n’avaient jamais cessé de porter. Et la France redécouvrait qu’ils faisaient sa réputation à l’étranger.
Du débit de boissons de 1789 au comptoir du XIXe siècle, en passant par les caboulots du petit matin, les auberges de terroir, les grands cafés parisiens, ceux du Commerce ou des Sports, les grandes brasseries de province, cet ouvrage restitue la palette incroyablement riche de ce lieu familier. Les jeux et divertissements, la fréquentation féminine, l’âge d’or de l’apéro, la guinguette, l’importance du garçon de café, la figure de l’habitué… l’auteur explore toute la complexité du bistrot, poste d’observation privilégié de l’évolution de notre société.
Le café s’affirme en lieu d’Histoire, parcouru lui-même par d’innombrables histoires, au ras du quotidien.
Laurent Bihl est historien des médias et de la caricature. Il est maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et membre de la composante ISOR du CRH 19. Son père, l’avocat Luc Bihl, fut en tant qu’auteur du premier traité de « Droit des débits de boissons » (1968) son initiateur au lieu « bistrot » dans lequel toutes les réunions familiales se tenaient. Après vingt années passées comme professeur d’Histoire-Géographie au lycée Paul-Éluard de Saint-
Denis (93), il a été muté en classe préparatoire au lycée Pothier d’Orléans, puis a intégré les rangs de la Sorbonne. Ses recherches ont porté à la fois sur la presse satirique et les lieux de sociabilité de la Bohème montmartroise, biais qu’il a élargi à l’ensemble des avant-gardes et marginalités artistiques de la capitale. Comme le note Pascal Ory dans sa préface de l’ouvrage, le bistrot apparaît sur la base de ses recherches comme un lieu « médiatique », réceptacle à part entière des nouvelles, des rumeurs et de la lecture d’imprimés souvent commentée à la cantonade. En cela, il est inséparable de l’ascension républicaine
vers le pouvoir au XIXe siècle et de la culture du débat citoyen au XXe siècle. Laurent Bihl travaille depuis plusieurs années à réhabiliter toutes les formes d’humour visuel, de la presse illustrée à la télévision, en passant par le cinéma, selon une démarche intermédiale. Il a récemment dirigé l’ouvrage collectif La caricature… et si c’était sérieux ? (Nouveau Monde éditions, réédition 2020). Sa thèse de doctorat, La Grande Mascarade parisienne. Production, diffusion et réception des images satiriques dans la presse périodique illustrée parisienne entre 1881 et 1914, est à paraître chez Nouveau Monde éditions.
Hostile à tout écran ou téléphone portable, Laurent Bihl prend son petit déjeuner au café, lit au café, donne ses rendez-vous au café, rêve au café et ne corrige ses copies que sur une table de bistrot.