TÉHÉRA. KABOUL. PARIS
Quand il arrive en France à 28 ans, Reza comprend qu’il doit apprendre par coeur sa date de naissance, car c’est vital si l’on veut s’insérer de ce côté du monde. Né en 1980 à Mashhad, il est en réalité afghan car il appartient à l’ethnie Hazara, paria en Iran comme en Afghanistan. Enfant, il intègre vite que lui et les siens ne sont pas les bienvenus, qu’on n’aime pas son petit nez et ses yeux en amande. La maîtresse l’oblige à déclarer devant toute la classe qu’il est afghan, et en rentrant de l’école, il peut lire sur des affiches dans la rue « Ce pays est beau mais ce n’est pas le vôtre ».
À 10 ans, il commence à travailler et il accompagne sa mère rendre visite dans les geôles du pays à son frère, prisonnier politique. En grandissant, il découvre le cinéma en achetant des cassettes VHS sur le marché noir, qu’il cache sous son manteau. À 26 ans, après être tombé dans l’opium, il se déguise en imam pour échapper aux contrôles de police et suivre à Téhéran les cours d’un grand réalisateur. Alors, quand il est invité au Vatican pour y recevoir un prix pour son premier film, il fait une promesse à son frère. Ne jamais revenir dans un pays où on risque sa vie pour être né Hazara. Commence alors un parcours migratoire semé d’embûches, entre les campements à Stalingrad et la demande d’asile politique… avec toujours, l’amour du cinéma en toile de fond.
Yann Damezin est un illustrateur et auteur de bande dessinée basé à Villeurbanne. Il est l’auteur de Concerto pour main gauche et Majnoun et Leïli : chants d’outre-tombe, publiés chez La boîte à bulles. Il est par ailleurs passionné de musique, et joue lui-même du violoncelle et du kamâncheh (instrument à corde iranien). Il mêle dessin et musique en participant à des concerts dessinés et lectures musicales avec le joueur de oud Baptiste Frelat, ou encore le groupe de musique turque et arménienne Mahaleb.