Peut-on faire de Luigi Mangione, l’auteur du meurtre du PDG de United Healthcare, un héros ?
Alors qu’il se voit érigé en icône de la culture populaire, voici un moment révélateur de dynamiques à l’œuvre : si la bourgeoisie n’a jamais autant régné, elle n’a cependant jamais suscité autant de haine. Nicolas Framont se propose avec l’affaire Luigi Mangione de questionner notre rapport à la mort, à la violence et aux modalités de la lutte sociale.
Le 4 décembre 2024, le PDG de United Healthcare, l’une des plus grandes assurances santé des États-Unis, est abattu en pleine rue. Quelques heures plus tard, les images du tueur masqué inondent les réseaux. En quelques jours, il devient un symbole, une icône virale portée par une jeunesse révoltée contre un système de santé jugé criminel.
L’arrestation de Luigi Mangione, un jeune homme issu d’un milieu privilégié, transforme ce fait divers en phénomène politique. Accusé de meurtre et poursuivi pour terrorisme, il incarne désormais la colère contre un système qui, chaque année, refuse des soins et condamne des milliers d’Américains à une mort évitable. Ce que l’État qualifie d’attentat, une partie de l’opinion le voit comme une justice rendue à un peuple abandonné. Luigi devient un martyr de la lutte sociale. Son geste résonne bien au-delà du crime : il cristallise un rejet profond du capitalisme néolibéral et de son impunité. Si la bourgeoisie tremble et le pouvoir s’acharne, c’est que derrière cette affaire, c’est toute une génération qui exprime son refus de l’ordre établi. Saint Luigi pourrait bien être le début d’une inversion des rapports de force.
Nicolas Framont est rédacteur en chef du magazine Frustration et auteur des livres à succès Parasites et Vous ne détestez pas le lundi… Sociologue de formation, il est expert auprès des Comités Sociaux et Économiques. Il vit à Saintes (Charente-Maritime).