En cette première semaine, nous vous proposons d’évoquer Les Animaux dans la Ville.
Découvrez en cliquant ci-dessous :
Cette semaine, le thème imposé du jeu-concours d’écriture, de BD, ou d’illustration est : Les Animaux dans la Ville.
Proposez-nous vos écrits dans l’un des formats imposés:
et envoyez-les nous par mèl avant dimanche 26 avril à 20H00 à : fetedulivre@saint-etienne.fr
Lots à gagner:
Chaque semaine 5 lots sont à remporter !
Le jury de sélection des lauréats est présidé chaque semaine par un auteur, cette semaine Nicolas Gilsoul, auteur de Bêtes de ville, éditions Fayard.
Ce jeu-concours est ouvert aux petits et grands. Les lauréats seront désignés de la sorte:
VIVEZ MA FÊTE DU LIVRE À LA MAISON ET ANTICIPEZ VOS RENCONTRES AVEC LES AUTEURS DE LA 35e FÊTE DU LIVRE !
Retrouvez le parrain de la semaine Nicolas Gilsoul et rencontrez-le en octobre prochain à la Fête du livre de Saint-Étienne. Découvrez le témoin de cette semaine, l’Amiral Dupont, invité de la Fête du Livre de Saint-Étienne en 2019. Plongez-vous dans l’œuvre de Timothée de Fombelle avant de dialoguer avec lui et son éditeur, Gallimard Jeunesse, lors de la 35e Fête du Livre.
Le parrain de la semaine est autant naturaliste qu’architecte. Deux entretiens lui sont ici consacrés, le premier s’adresse à l’observateur du vivant, à l’auteur et artiste naturaliste, dans la lignée de Georges-Louis Leclerc de Buffon.
Le second interroge l’architecte… Les deux sont passionnants… Un troisième entretien vous sera proposé le mercredi 22 avril .
Découvrez également ci-dessous la Bibliothèque Idéale de l’auteur!
Nicolas Gilsoul, dans ses réponses aux questions de l’ingénierie du livre de la ville de Saint-Etienne, évoque les grands principes de survie et d’adaptation des animaux, des hommes et des villes. La Fontaine, témoin privilégié de cet entretien, y apparaît telle une silhouette malicieuse. L’auteur des Fables, que nous connaissons par cœur, était un moraliste. Il nous rappelle que nos interrogations contemporaines sont bien plus anciennes que nous.
Jean de La Fontaine écrivait : « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés » dans la fable Les animaux malades de la peste. Force est de constater que ce vers est aujourd’hui totalement d’actualité. C’est même notre sujet principal. Vous vous présentez comme un architecte naturaliste. Êtes-vous aussi lecteur de La Fontaine?
Je me souviens d’avoir dévoré des yeux d’abord le recueil des Fables de la Fontaine illustré par Gustave Doré dans la bibliothèque de mon grand-père. Puis j’ai eu l’âge d’en apprécier la finesse des phrases associées à ces « amis » à plumes, à poils et à longue queue qui avaient accompagné mon enfance. Bien sûr La Fontaine projette sur l’animal des sentiments humains, des comportements et des attitudes qui peuvent aujourd’hui paraître absurdes! Certaines ont façonné notre manière de les voir, parfois à tort. Le renard serait-il plus rusé que le corbeau? Il semble que ce soit l’inverse. Mais j’admire certaines phrases qui sonnent tellement justes: « On tient toujours du lieu dont on vient » (voilà de quoi réinterroger notre mondialisation hyperactive), « Lynx envers nos pareils et taupe envers nous » (et de quoi mettre en perspective notre manière de juger la gestion de crise de nos pairs) et le constat suivant qui résonne en ces temps de crise mondiale: « Chose étrange! On apprend la tempérance aux chiens, et l’on ne peut l’apprendre aux hommes ».
Cahier de croquis offert en exclusivité par Nicolas Gilsoul :
La chauve-souris connaît depuis deux mois une popularité intense, même si le pangolin, un temps l’a battue en brèche. À Créteil-Soleil, vous la décrivez prenant ses aises et d’une certaine manière rappelez sa longévité qui la fait étudier par de nombreux scientifiques. Pouvez-vous l’aider à dépasser le spleen dans lequel elle est tombée?
Les chauve-souris représentent 1 mammifère sur 5. Il y en a plus de 1300 espèces. Les chauves-souris sont un maillon important du vivant, elles jouent un rôle écologique comme régulateur des populations d’insectes et comme pollinisatrices notamment. Et à mieux les connaître, on apprend à dépasser nos peurs et nos préjugés. Les belles de nuit de Créteil sont des pipistrelles et des petits murins, magnifiques, élégantes et fragiles. Elles ne véhiculent pas les virus de leurs cousines asiatiques qui ont provoqué la situation de pandémie mondiale que l’on connaît aujourd’hui. Elles sont menacées et vivent difficilement la crise de la biodiversité sur nos territoires. Dans l’Est parisien, elles reviennent nicher sous nos dalles de parking et dans les canopées de nos boulevards plantés, comme le long du Canal du Midi à Toulouse. Pour elles, ce ne sont pas des avenues et des alignements d’arbres remarquables, ce sont des autoroutes de fraîcheur, d’obscurités garnies d’insectes et de promesses de continuité.
Paradoxalement, il se pourrait bien qu’en France, face aux trois fléaux que portent le moustique tigre présent désormais dans la majorité de nos départements, la chauve-souris devienne un allié de choc. Elle peut en croquer plusieurs centaines par jour. Et le petit insecte agaçant, lui, peut inoculer Zika, la Dingue et le Chikungunya.
Ce que nous vivons en ce moment a pris une échelle inédite mais n’est pas nouveau. Depuis une vingtaine d’année les épidémies des zoonose se multiplient. Ces épidémies transmises par un animal ont généralement besoin de passer par un autre animal avant de nous atteindre. Le MERS est passé de la chauve-souris au dromadaire, le SRAS à la civette papiste masquée, NIPA aux cochons et le CORONA sans doute au pangolin. La chauve-souris est porteuse de virus mais ce sont nos comportements qui provoquent ces épidémies. À commencer par la déforestation qui stresse et rapproche des espèces qui n’étaient pas destinées à cohabiter en si grande proximité. Les marchés d’animaux sauvages exacerbent encore cette promiscuité qui favorise les mutations des virus et la zoonose. Enfin, notre modèle de mondialisation stimule l’essaimage et la transmission quasi instantanée d’un virus local à un monde global. Avant de chasser la chauve-souris et ses airs usurpés de Dracula, il nous faut changer de légende et modifier nos comportements. Et ceux-ci passent aussi par la lutte contre la déforestation et la frugalité prônée par La Fontaine.
Quand le cerf Sika de Nara attend que le feu passe au vert…
Humour, poésie, réflexion philosophique et humaniste traversent votre essai. Votre regard, d’architecte passionné de naturalisme, mais également votre sensibilité quant à l’urbanisme et ses problématiques ouvrent sur une vision sur la nouvelle ville dont les rédacteurs du Jour d’Après se sont emparés, sans doute plus tôt et de manière plus précise que vous ne l’imaginiez en novembre 2019 au moment de la parution de l’ouvrage. Êtes-vous surpris par la manière dont le monde confiné se regarde, et plus spécifiquement observe le monde des humains et celui des animaux?
Confinés, forcés de ralentir pour la majorité d’entre nous pendant que les soignants cherchent à nous sauver, nous apprenons à regarder et à écouter cette nature qui nous manque. On s’étonne d’entendre le merle chanter avant son réveil, de voir passer des hardes de sangliers sur nos ronds-points, des éclairs verts dans le ciel de nos cités (le bonjour aux perruches à collier) et des renards le soir tombé sur les grands boulevards. Ils n’ont pas attendu la pandémie pour sortir du chapeau d’un magicien, ils vivaient déjà là, mais ils étaient… confinés. Discrets, souples, résilients, ils se sont pour certains adaptés à notre environnement « naturel », la ville. Le coyote de Chicago regarde avant de traverser, le cerf Sika de Nara attend que le feu passe au vert et traverse dans les clous, le hérisson des villes sort plus tard que son cousin des champs, quand les derniers fêtards sont endormis. Et puis il y a les mutants, ceux dont la physiologie a évolué sous les contraintes urbaines. L’escargot d’Amsterdam a blanchi sa carapace pour augmenter son albédo et résister mieux aux effets des îlots de chaleur urbains et aux canicules récurrentes; l’hirondelle du Nebraska a raccourci ses ailes pour éviter les canyons de verre et d’acier dressé sur son chemin et voler de manière encore plus acrobatique; la souris blanche de New York résiste désormais aux métaux lourds et aux graisses à force de dévorer nos hot-dogs et de vivre sur les rives de la très polluée Hudson River. Beaucoup ont trouvé les parades pour survivre sur nos écosystèmes urbains, beaucoup ont disparu, les chiffres de la crise de la biodiversité en sont une preuve accablante.
Nous prenons conscience de ne plus être seuls à vivre dans ces lieux hybrides, sur ces sols imperméables et ces campagnes sous perfusion. Les non-humains se révèlent à nous en ces jours difficiles, la plupart viennent chercher à manger ou un gîte sans prédateurs. Nos parcs publics sont fermés, les oiseaux, la martre ou le renard viennent y nicher sans être dérangés. Le sanglier et le blaireau connaissent une trêve en pleine période des amours. Ils profitent de notre retrait, s’aventurent plus avant, osent s’approcher des côtes comme ces rorquals aperçus dans le parc des Calanques. Ailleurs, en Thaïlande par exemple, ce sont les macaques jusque-là dépendants des touristes qui y voient d’exotiques compagnons instagramables qui peinent à trouver leur repas. Alors ils entrent par effraction dans les bureaux de Delhi et fouillent les poubelles et les casiers. À Nara, non loin de Kyôto, ce sont les cerfs zika, tout aussi instagramables, qui descendent dans le métro pour trouver de quoi subsister. Pour eux le confinement n’est pas une aubaine. À Bombay, le léopard rôdait déjà avant le confinement depuis les marges d’une grande forêt urbaine de la taille de Paris, comme le puma à Hollywood.
Nous avons perdu le lien avec ce vivant. En Amazonie, les enfants des Achuars connaissent à 10 ans plus de 300 espèces d’oiseaux qu’ils peuvent nommer mais dont ils peuvent aussi imiter les chants. Nous avons du mal à reconnaître deux des vingt espèces d’oiseaux qui volent devant nos fenêtres ouvertes. Retrouver ce lien et cette connaissance est essentiel à mes yeux pour construire la ville de nos enfants. La verdir sans comprendre les mécanismes de ces paysages et de tous leurs habitants n’a pas de sens. Prairies suspendues, forêts linéaires, bois habités doivent s’ancrer dans la réalité des dynamiques du vivant. La ville n’est pas un décor. Et nous vivons déjà au cœur de la biodiversité. Co-construisons demain avec les non-humains. Dépassons les préjugés, augmentons nos connaissances, acceptons de partager la signature avec le castor, le sanglier et le blaireau.
La Nature est-elle une start-up qui a réussi ?
Dans le même ordre d’idée, quels sont vos points de vue sur les fermes urbaines, les animats, les mutants (autant animaux qu’humains)?
Je suis un grand lecteur de science-fiction. J’avoue que ce que nous vivons dépasse de loin les meilleurs ou les pires scenarii d’écofictions. La description des imaginaires de demain m’a toujours fasciné. Et pourtant, celui des métropoles futuristes reste souvent basé sur la vision d’une ville verticale héritée des dessins préparatoires de Fritz Lang pour son film « Métropolis ». On y parie uniquement sur la technologie et le génie humain, toujours capable de trouver une solution aux problèmes qu’il a souvent lui-même provoqué. Toujours plus haut, toujours plus fort. Avec toutes les dystopies sociales qu’elles couvent. C’est cette foi dans notre suprématie qui accouche dans nos réalités aujourd’hui de curiosités comme le transhumanisme ou le remplacement des insectes pollinisateurs disparus par des drones, voire des fleurs éteintes par une flore en plastique imprimée en 3D. C’est aussi ceci qui nous stimule à penser qu’en empilant les champs verticalement, nous serons plus rentables et que l’eau purifiée et recyclée en circuit fermé nous fera gagner de l’argent, mettant de côté les pompes nécessaires pour alimenter les étages élevés ou les robots fermiers qui déchargent leurs données dans des fermes à datas énergivores en Islande. Dans l’équation, nos fermiers ont disparu, une fois encore. L’agriculture urbaine est à mes yeux un sujet délicat lorsqu’elle tombe dans cet engouement rétro futuriste, mais elle peut servir une cause plus noble lorsqu’elle est employée avec intelligence et humanité. Je pense notamment aux réseaux de jardins potagers qui ont permis à la ville de Détroit de se relever d’une crise socio-économique sans précédent, de tisser des solidarités jusque-là impossibles et d’envisager le partage du territoire de manière novatrice, se servant aujourd’hui de la révolution numérique pour communiquer et entretenir le lien social retrouvé. Ces fermes urbaines-là me plaisent, comme celles qui inventent en France d’autres voies. Je pense notamment à cette ferme sur la butte Pinson au nord de la capitale dans laquelle les animaux sont des rescapés dépareillés mais unis par un même projet solidaire, celui d’une pédagogie pour les enfants des cités et d’une réinsertion sociale d’anciens détenus. Ces animaux de ferme-là ont toute ma sympathie, ils construisent un autre monde, plus à l’écoute, plus frugal et plus intelligent aussi parce que certainement beaucoup plus durable. Depuis peu le biomimétisme a le vent en poupe, la Nature est alors comparée à une start-up ayant réussi et fait ses preuves de laquelle nous pourrions tirer de bons tuyaux. L’idée n’est pas nouvelle, Léonard de Vinci était un observateur hors pair de ces merveilleuses trouvailles, copiant l’aile de notre chauve-souris pour nous fabriquer des prothèses volantes ou une graine d’érable pour esquisser ce qui deviendrait l’hélicoptère. Observer la Nature devrait rendre humble. Ce fabuleux trésor est à préserver, nous ne pourrons le faire qu’en acceptant de changer nos comportements, de nous adapter comme la nature elle-même s’adapte constamment. Et ceci en acceptant souvent de renoncer à ces modèles pour en adopter d’autres dans une logique d’efficacité circulaire et globale. A quoi bon continuer de nous greffer des prothèses technologiques inspirées par la libellule ou l’oursin des profondeurs si nous devons pour les fabriquer détruire leurs milieux en arrachant toujours plus de métaux rares dans des conditions infernales et en rasant les forêts pour étendre nos ambitions ou nos plaisirs gourmands?
Et enfin, est-il possible de recueillir votre vision actualisée sur la ville monde, la ville grand incubateur pendant (elle va durer) et aussi à l’issue de la crise sanitaire?
La ville est devenue notre nouveau milieu naturel. Pas seulement la grande mégalopole à laquelle on pense tout de suite, mais aussi la ville moyenne et la petite ville dont l’une des extrémités finit par toucher celle d’une autre petite ville, transformant le territoire en nébuleuses éclairées toute la nuit (18 millions de lampadaires allumés pendant le confinement comme avant et probablement après). Ces paysages hybrides sont habités par des non-humains, on s’en rend compte plus que jamais parce qu’on les voit. Il nous faut apprendre à co-habiter, à partager ce monde nouveau et étrange, le rendre plus aimable pour nous comme pour eux. Je parle d’incubateur, d’accélérateur d’évolution en faisant directement référence aux principes de Darwin et à la théorie de l’Evolution. On le sait aujourd’hui, plus un milieu est contraignant, plus les espèces vivantes qui y survivent se sont adaptées, spécialisées (les plantes des pelouses calcicoles et leur cortège d’insectes associés) ou au contraire ont opté pour l’opportunisme (le renard, le coyote). Les premiers ont adapté leurs corps jusque dans les gènes, les seconds ont adapté leurs comportements: des territoires de chasse réduits, des sorties nocturnes plus tardives, des parades amoureuses décalées, des chants amplifiés pour passer au-dessus des vrombissements des camions.
Pendant la crise et le confinement, nous ne pouvons pas transformer nos villes, nous ne pouvons qu’être les observateurs de cette faune. Elle va profiter de notre discrétion pour se reproduire au calme dans nos parcs fermés, nos jardins inoccupés, nos forêts sans randonneurs, bikers, accrobranchistes, sylvothérapeutes et autres citadins en goguette. Lorsque nous ressortirons, il nous faudra être attentifs: nous serons dans une grande nurserie. N’oublions pas qu’ils nous ont fait rêver pendant plusieurs semaines, ils ont souvent occupé nos conversations, nos espoirs (et si? et si les écosystèmes se régénéraient vraiment? et si nous pouvions encore écouter le merle le matin? et si?). Le Grand Réveil est un moment délicat et décisif. Le temps des décisions politiques, des engagements de tous. Le temps d’une autre manière de fabriquer nos villes, d’accompagner le vivant et de le respecter davantage pour éviter une autre pandémie, d’autres zoonoses. Là il sera temps de changer vraiment de légende. Et de dessiner la ville avec le vivant, de la co-construire avec le castor et l’huitre, l’abeille solitaire et la liane. Il ne s’agit pas de verdir à tout prix, encore une fois, ce ne sont pas des décors dont nous avons TOUS besoin mais des milieux en équilibres, une mosaïque d’écosystèmes conçus en partenariat avec le vivant. Il ne s’agit plus de « compensation écologique » mais de réfléchir en amont si nous ne pouvons pas faire « autrement ». Il ne sera plus question de « prothèses paysagères » mais d’un système écologique dans lequel l’homme est invité, bienvenu mais pas dominant. Et là encore la question de la frugalité et de la tempérance de La Fontaine peut nous guider. Pensons autrement, en oiseau, en triton ou en renard. Regardez les paysages d’aéroport par exemple, on a longtemps pensé qu’il fallait de grandes pelouses pour ne pas gêner la visibilité, puis on a pris conscience que ces prés attiraient des insectes, donc des oiseaux et devenaient de grandes aires de repos pour les migrateurs de passage. Certains sont devenus encombrants. L’oie bernache par exemple qui provoque chaque année aux USA des collisions avec des avions de ligne. On les a chassées, on les effraie, on les pousse un peu plus loin, c’est le métier des effaroucheurs. C’est long et un peu vain… il suffit que le voisin de l’aéroport soit une décharge comme à San Francisco et les goélands viennent quand même! Mais si on pense ces vastes taches vertes non pas comme une herbe rase mais comme un jardin d’herbacées dont la hauteur des limbes sera décisive pour permettre ou pas à certains oiseaux de s’y installer confortablement, on change de légende…et de paysage, de mode de gestion aussi et donc d’économie. De mode de conception aussi, ce qui peut avoir des effets dominos sur celui des architectures dans la ville. Evitons de parler de « forêt urbaine » quand nous n’avons pas de sol vivant, c’est le sol qui crée la forêt et le temps. Battons nous pour la pleine terre en utilisant au mieux les espaces déjà construits et en assurant continuité et logiques écologiques. Et acceptons que ces morceaux de paysages soient le refuge des espèces qui lui assurent la vie sans menacer la nôtre.
Naturaliste et ami de la Fontaine, Nicolas Gilsoul n’en est pas moins architecte. A Saint-Etienne, l’association Imhotep* a trouvé à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture (ENSASE) un logis idéal. L’une des étudiantes et membre de l’association, Meriem Brin, étudiante S6 déploie une conscience civique et des interrogations sur le futur responsables, ainsi qu’elle le démontre au cours de l’entretien qui suit en compagnie de l’auteur de Bêtes de Ville, à l’image de sa génération.
L’intervention de l’homme pour sauver certaines espèces animales (sous-marines par ex) est-elle légitime selon vous? Que pouvons-nous faire concrètement en tant que citoyen pour amoindrir notre impact sur les milieux naturels et pour venir en aide à des espèces menacées?
Il faut que nous entrions en guerre contre nos comportements. C’est l’irrespect du vivant qui a conduit aux conditions actuelles permettant à des virus opportunistes de nous contaminer. Changer nos pratiques passe par exemple par un meilleur recyclage/tri de nos déchets, une utilisation raisonnée de l’eau, une réduction de nos consommations d’énergie (rappelez-vous, la France s’illumine chaque soir de plus de 18 millions de lampadaires et de milliers d’enseignes et d’écrans publicitaires) mais aussi de viandes (on en connaît aujourd’hui l’impact écologique et sanitaire). Très concrètement pour les espèces menacées, cela commence au petit-déjeuner lorsque vous tartinez votre pâte chocolatée. L’huile de palme est la première cause de la déforestation en Indonésie: adieu les rhinocéros, adieu les orang-outans. Vous préférez boire du lait de soja? Très bien, d’où vient-il? Si il est brésilien, il vient probablement du Mato Grosso et de ses grandes cultures industrielles gagnées sur la forêt amazonienne. Adieu toucans, singes capucins et minorités. J’ai des voisins qui prennent un Uber pour aller au square avec leurs enfants. À côté des rhinocéros, nous en Europe, nous avons perdu en moins de 30 ans plus de 75% des insectes volants parmi lesquels des abeilles solitaires utiles à la pollinisation et 3 moineaux sur 4. Aller au square de quartier à pied, c’est toujours cela en moins de pollution dans l’air, de projets de nouvelles rocades pour aller plus vite, plus nombreux. Sauver les espèces menacées, ça commence au réveil en ouvrant les yeux sur les conséquences de nos actes et les choix que nous pouvons faire pour changer de légende. Et puis, à mes yeux, ça prend de l’ampleur et cela devient passionnant lorsque vous en apprenez plus sur le vivant: les stratégies de la liane passiflore pour échapper aux gourmandises du papillon heliconius, la relation entre le papillon azuré, le serpolet et une fourmi, les habitudes du hérisson et le nombre d’espèces qu’il protège/favorise lorsqu’il est présent… Le vivant apparaît ainsi comme un monde nouveau et passionnant auquel vous aurez envie de participer! Tout un nouveau monde à découvrir et qui nous fait du bien. Il ne s’agit alors plus de protéger des espèces menacées mais d’accepter de vivre parmi elles, en bonne intelligence.
Changeons de légende !
Les écoles d’architecture et leurs enseignements évoquent peu la question du vivant et de l’impact que peut avoir l’architecture sur lui. L’environnement (au sens économie d’énergie/transitions écologiques…) commence tout juste à être évoqué mais le vivant, espèces animales et végétales n’est pas étudié. L’analyse d’un site devrait-elle systématiquement traiter la question du vivant ?
J’enseigne depuis 19 ans le projet d’architecture, le projet urbain et le paysage. Cette question a toujours été centrale dans mes studios, ateliers et séminaires. Elle est essentielle. Lorsque vous placez une pierre dans le cours d’une rivière, vous modifiez les courants, vous provoquez des tourbillons. Ces mouvements accélèrent l’érosion et la sédimentation. Une île se forme au-delà de votre pierre et sur cette île bientôt, une graine transportée par un oiseau ou le vent va s’ancrer. Puis une autre. Les premières herbes vont pousser, certaines vont fleurir, attirant là des insectes dont certains porteront leur pollen au-delà des berges. Cette activité attire des oiseaux, puis des petits mammifères. L’île grandit, la friche s’arme de jeunes ligneux puis des premiers arbres pionniers, des bouleaux, des peupliers. Les berges se chargent et sont bientôt habitées: martin-pêcheur ou pourquoi pas des loutres? Etre architecte, c’est envisager de poser dans le cours de la rivière une pierre. Il me semble évident qu’il faut en comprendre les impacts sur le vivant comme nous avons l’habitude d’en étudier les impacts socio-économiques. Bâtir das la pente d’un bassin versant, c’est créer une barrière à l’eau et favoriser les inondations. Bétoniser les côtes, c’est accélérer l’érosion par les vagues et fragiliser le littoral. Donc aussi les espèces qui l’habitent: oiseaux nicheurs, crabes, insectes et flores spécialisées. Les architectes ne sont pas des spécialistes de l’écologie, nous avons un métier transversal, nous sommes comme des réalisateurs de cinéma, nous prenons appui sur des experts chacun dans leur domaine. Avec le vivant, il faut que ces experts viennent très en amont du projet pour envisager avec eux la meilleure manière de se lover dans le paysage pour le perturber le moins possible, voire pour le dynamiser en transformant l’architecture en récif, en refuge.
N’ayons pas peur de la vie
Votre livre invite à trouver les bonnes manières de cohabiter avec les animaux et amène à mieux les connaître. Cependant la cohabitation entre les hommes et les autres êtres vivants pose question dans le contexte sanitaire particulier que nous connaissons (Covid 19). N’est-ce pas la promiscuité entre les animaux et les hommes qui serait à l’origine du développement de nombreux virus ?
Ebola, H1N1, SRARS, NIPA, MERS et COVID sont issus de zoonoses comme je l’ai expliqué plus haut. Ces animaux contaminés sont entrés en relation avec d’autres bêtes avec lesquelles elles n’auraient jamais dû avoir de contact. Les chauve-souris qui vivent dans la canopée des forêts tropicales, donc à 20-25m de hauteur, ne devaient pas être en contacts prolongés avec les pangolins qui vivent au sol. En provoquant la déforestation puis en entassant ces animaux sauvages dans des conditions épouvantables sur les marchés asiatiques, l’homme a mis en place toutes les conditions nécessaires à la transmission du virus. La mondialisation a diffusé l’épidémie en quelques semaines sur la scène mondiale. Si vous prenez le Paludisme, là encore, la déforestation joue un rôle important dans les épidémies. Le moustique responsable vit en principe en hauteur sur le sommet des arbres. La forêt coupée, le moustique se retrouve au sol et pique nos mollets.
Aujourd’hui la majorité de nos départements est envahie par le moustique tigre qui est même remonté jusqu’à Lille. Le changement climatique semble jouer un rôle très petit dans cette diffusion, ce moustique est très adaptable et parfaitement opportuniste. Il s’est diffusé dans le monde entier en voyageant dans l’eau croupie de pneus en caoutchouc qui traversaient la planète sous les auspices d’une économie mondialisée. Il va poser problème en France: il est vecteur de 3 fléaux, Zika, Chikungunya et la Dingue. Deux survivent sous nos latitudes, cette fois avec la bénédiction des îlots de chaleur urbain de nos villes. On craint les rats qui ne portent plus la peste depuis le Moyen-Âge mais la maladie de l’égoutier qui nécessite des contacts répétés et directs. On craint les blaireaux que l’on chasse parce qu’ils peuvent avoir la rage dans nos campagnes proches des villes, nos voisins belges et anglais ont décidé de les vacciner et de contrôler leurs naissances parce qu’ils reconnaissent le rôle écologique important qu’ils ont à jouer. En Inde, à Bombay, il y a des léopards en liberté dans la grande forêt urbaine de Gandhi. Ils mangent les chiens errants qui eux, ont la rage, cela ne les rend pas malades. Au début de la pandémie, j’ai lu des réactions incroyables qui demandaient de tuer toutes les chauves-souris françaises pour nous protéger. C’est une méconnaissance du vivant absurde et inconsciente, un amalgame aussi idiot que celui qu’avait fait Mao dans les années 50 en exterminant tous les moineaux de Chine parce qu’ils « mangeaient le grain du peuple ». Le résultat fut une recrudescence des insectes ravageurs avec la décision de passer aux armes lourdes de pesticides pour obtenir les conséquences que l’on connaît aujourd’hui sur la santé et la biodiversité.
N’ayons pas peur de la vie, nous vivons déjà au cœur de la biodiversité, mais apprenons comment équilibrer la mosaïque d’écosystèmes que nous partageons désormais avec les non-humains en pleine conscience. Parmi eux, il y a le hérisson et son capital sympathie, mais aussi l’écureuil mignon qui transporte les mêmes maladies que les rats, il y a l’abeille et son bon miel mais aussi les mouches pollinisatrices solitaires qui ont moins la cote et qui souffrent de la concurrence, la chauve-souris qui en fait s’avère un allié de choc pour gober nos moustiques tigres, etc… Et il y a aussi les non-humains microscopiques, les virus dont le COVID vient de nous faire prendre conscience que nous étions nous-mêmes des animaux susceptibles de tomber malades comme tous nos autres voisins. Refuser la « Nature » dans nos villes, ou plutôt le « Vivant » n’est en fait pas possible, il faut apprendre à co-habiter. Cela commence par respecter l’animal sauvage pour ce qu’il est, un animal sauvage à qui nous ne devons pas donner du pâté pour les chats et un surnom de héros de Disney au risque de modifier son comportement et d’engendrer un effet domino de conséquences. C’est ce que fait la ville de Chicago avec ses 15000 coyotes sauvages: la municipalité apprend aux habitants un respect mutuel qui passe par la pédagogie, l’éducation et la science de terrain.
*Association de solidarité internationale, Imhotep est fondée en 2012 par des étudiants de l’ENSASE. Née de la volonté d’apporter l’accès à l’eau dans des pays défavorisés, de développer des projets humanitaires, elle vise à la démocratisation d’une architecture durable et responsable en proposant des workshops autour de l’utilisation de matériaux biosourcés et un cycle de conférences annuel au sein de l’école, autour des notions d’architecture, de voyage, de paysage. En septembre 2019, l’association a recentré ses actions sur le territoire stéphanois, s’associant avec la Ligue de l’enseignement sur le projet ECLAIRE dont l’objectif est de créer de nouveaux lieux de participation citoyenne au sein des amicales laïques.
Mélanie Burlet est actuellement responsable des contenus de la prochaine Biennale Internationale Design Saint-Étienne 2021 à la Cité du design. Après un doctorat en sociologie, ses travaux de recherche ont porté pendant une dizaine d’années sur le travail, ses mutations et ses conditions d’exercice. Pour penser la question du changement social, elle a progressivement élargi ses centres d’intérêt afin de contribuer à construire des alternatives durables. Elle discute avec Nicolas Gilsoul des pistes d’action pour dépasser notre rapport de domination au monde vivant et s’orienter vers un nouveau projet de société.
Une question nous taraude tout au long de la découverte de ces paysages hybrides décrits par Nicolas Gilsoul : qui est réellement l’envahisseur ? Ces portraits d’animaux sauvages parcourant nos espaces citadins croisés à ceux de villes se déployant sous l’effet de politiques d’urbanisation sont une véritable source d’inspiration pour penser notre rapport au monde des animaux et au vivant plus généralement. Nous prenons conscience du chemin qu’il reste à parcourir pour véritablement adresser les enjeux écologiques. Passer à un monde dans lequel il faut apprendre à co-habiter voire à « faire alliance » pour concevoir intelligemment nos espaces urbains et nos infrastructures devient au fil des pages une perspective désirable et ouvre un champ des possibles. Néanmoins, elle ne va pas de soi.
Manifestement, les solutions ne peuvent qu’être locales, adaptées à chaque contexte, aux populations, aux caractéristiques topographiques des lieux, aux besoins des animaux, spécifiques à chaque espèce concernée, aux savoir-faire ancestraux, etc. Quelles sont les initiatives citoyennes, professionnelles (architectes, designers) et/ou politiques, à l’échelle d’une ville ou d’un quartier les plus prometteuses que vous ayez pu observer ? Quelles seraient les pistes pour les renforcer ?
J’ai été très ému par la sincérité de la ville de Chicago et la construction de sa relation aux coyotes. C’est un projet porté par la municipalité qui s’appuie sur les connaissances des scientifiques de terrain au contact de ces animaux sauvages devenus urbains, c’est aussi un projet de pédagogie qui s’adresse aux citoyens et qui les incite à changer de regard, à travailler sur eux autant que sur le coyote. Je crois aussi beaucoup dans certains projets menés par l’AEV de la Région Ile-de-France, notamment sur les buttes témoins du Parisi ou dans les boucles de la Seine du côté de Moisson. Les premiers travaillent sur la faune des carrières, la seconde sur un paysage improbable qui sert aux oiseaux migrateurs dont certains très fragiles nichent au sol. La difficulté toujours demeure la barrière de nos préjugés. Un paysage de steppe par exemple aux portes de nos villes est appelé par les experts un « sol pauvre ». Nous, architectes, élus, grand public, avons tendance à faire un raccourci simpliste: sol pauvre = terre de moindre intérêt, quelques herbes rases et brûlées… Or c’est dans ces sols pauvres, des prairies calcicoles par exemple , que vous trouverez une flore et donc une faune associée incroyables, des orchidées rares aux mantes religieuses ou aux papillons en voie d’extinction. Parce que justement, ce sont ces contraintes immenses qui ont forgé des spécificités surprenantes pour les survivants qui ont trouvé la manière de les habiter. Ils sont d’autant plus fragiles. Apprendre à les Voir, c’est le premier pas pour co-habiter. Ce qui apparaît de façon frappante, c’est qu’en ignorant les frontières, en importunant hommes et femmes sans distinction de classe sociale, les comportements animaliers, rapportés de façon très documentée, bousculent des caractéristiques fondamentales de notre mode de fonctionnement contemporain et occidental : la propriété privée, les territoires, les frontières spatiales. Nous construisons d’ailleurs ici et là des corridors écologiques pour leur permettre de circuler et de s’adapter. Mais il semblerait que l’adaptation doive changer de camp sauf à prendre des mesures plus ambitieuses pour réhabiliter des écosystèmes complets…
Pour défendre la pleine terre
Plutôt que de coûteux projets de végétalisation de centre ville qui ravissent les habitants mais relèvent de l’ornement, ne serait-il pas plus efficace (à moyen terme) de concentrer nos actions sur les franges des villes, en « ré-ensauvageant » des espaces péri-urbains, aujourd’hui privatisés ? Les reconquérir pour les restituer d’une part aux animaux et aux végétaux qui pourraient progressivement les habiter, y retrouver des droits, à leur rythme, sans intervention humaine, et d’autre part aux citoyens-promeneurs qui en sont tout autant privés.
Si vous considérez la ville comme un tissu vivant, comme un corps qui grandit et qui se transforme, vous ne pouvez pas séparer le centre, le cœur, des extrémités de chacun des membres, péri ou sub-urbain. La ville est aujourd’hui indissociable de ses contours flous. Vous avez raison, il nous faut travailler sur une meilleure porosité de ces franges pour permettre à une certaine faune de pouvoir aussi sortir de nos cités. Seules, curieuses et affamées, elles trouvent souvent le chemin pour y entrer mais restent généralement piégées ensuite dans nos labyrinthes bruyants et lumineux et s’y cachent, s’y terrent, amoindrissant leurs chances de survie, de reproduction. Délaisser le cœur pour autant n’a pas de sens. À Sao Paulo, le centre élargi possède très peu de jardins publics et les balcons verdoyants des villas privatisées sont cernées de hauts murs d’enceinte. Les toucans ont disparus, comme les singes. Ceux qui peuplent les forêts alentour ne se risquent pas dans ce grand désert minéral. Résultat, les scorpions qui n’ont plus de prédateurs, profitent du réchauffement climatique et d’une très mauvaise gestion des ordures pour infester la ville. C’est un équilibre qu’il nous faut trouver. Et chaque situation mérite un regard spécifique et une réponse appropriée. Ici le castor peut être un allié, mais là au contraire, il deviendra un adversaire imprévisible. Le grand combat n’est pas entre le centre et la périphérie, mais bien de défendre la pleine terre. Elle retient les eaux, elle permet la vie, le développement durable des plantes et donc le refuge des animaux et leurs circulations. Elle n’a pas besoin de perfusion pour survivre. Et elle implique un choix politique fort.
La Nature rend curieux
Vous qui semblez bien comprendre les animaux sauvages dont vous nous parlez sans pour autant être un spécialiste, comment avez-vous construit cette capacité à « ouvrir les portes du monde animal » ? Comment développer notre acuité à toutes les populations qui composent nos écosystèmes ? Avez-vous déjà réfléchi à des actions ou aménagements urbains qui le favorisent ?
Nos connaissances du monde animal ont fait un bond incroyable depuis quelques années avec le développement de partenariats nouveaux entre les sciences « dures » et les sciences sociales. Nous en savons plus sur l’émotion des animaux, sur leurs comportements, leurs langage, mais nous apprenons aussi l’influence de notre milieu de vie naturel, la ville, sur leurs métamorphoses. L’écologie « urbaine » est une branche récente de la discipline de l’écologie. Je me nourris des connaissances de tous les experts qui cherchent aujourd’hui à comprendre ce Nouveau Monde dans lequel nous évoluons. Ils me passionnent. La Nature me rend curieux, chaque jour je cherche à comprendre un autre être vivant, souvent inattendu, soit parce que je le croise par hasard, soit parce que mes fils me questionnent sur leurs superpouvoirs et que je suis alors contraint (avec délice) de défricher de nouveaux sentiers. C’est la curiosité qui est la clé. J’essaie de la stimuler chez mes lecteurs et chez mes étudiants, chez mes clients et les élus qui me font confiance depuis une vingtaine d’année déjà.
Dans mes réalisations, je mets toujours en place des paysages qui vont permettre aux non-humains de s’y retrouver. Ainsi par exemple à Versailles, dans la Cour des Senteurs, un jardin dédié à l’Art du parfumeur, le choix de la palette végétale a été dicté aussi par le nez…ou ce qui s’en rapproche…. des pollinisatrices et des oiseaux. En Bretagne, je travaille sur un jardin dans lequel les biches de passage viennent jardiner. À Vancouver, j’ai dessiné un parc à partir des mouvements d’essaimage des graines aériennes d’une prairie anémophile au milieu de laquelle nous avions implanté une école et des jardins partagés. Laissant le choix à chacun de réagir à ces nuages fertiles!
C’est un premier échange passionnant qui appelle une suite. Depuis quelques années, des chercheurs-praticiens en art et en design s’emparent de ces questions en collaborant avec d’autres scientifiques (biologistes, éthologues, géographes, etc.) pour construire des dispositifs expérientiels permettant de développer la compréhension de ces sujets, médiatiser et enrichir le débat, développer nos capacités d’action collective. Plus que jamais, dans le contexte actuel, alors que se croisent sur nos écrans des témoignages de confinement difficiles et des images de bêtes se promenant dans nos rues, nous sommes de plus en plus nombreux à prendre conscience que nous devons imaginer des politiques urbaines inclusives pour tous les êtres vivants qui constituent nos écosystèmes et (re)composer ensemble un monde commun.
Bibliothèque Idéale de Nicolas Gilsoul
> Luis Sépulvéda/ Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur (bien sûr avec une pensée douce pour son voyage vers le pays de Dent-de-Lion…)
> Stéphane Durand + Gilbert Cochet/ Ré-ensauvageons la France
> Samuel Challéat/ Sauver la Nuit
> Maurice Maeterlinck/ La vie de la nature
> Baptiste Morizot/ Sur la piste animale
> Pierre Boule / Les Oreilles de jungle
> Rachel Carson/ Printemps silencieux
> Gilles Clément/ Toujours la Vie invente
> Jean-Marie Pelt/ L’Homme renaturé
> Frans de Waal/ L’Age de l’empathie
> Karine Lou Matignon, dir./ Révolutions animales. Comment les animaux sont devenus intelligents
> Clifford D Simak/ Demain les chiens
> China Mieville/ Perdido street station
> Virginia Woolf/ Flush: une biographie
> Sybilline, Capucine et Jérôme d’Avion/ Rats & les Animaux moches
> Frank Pé + Bom/ Broussaille
> Franquin/ Le Marsupilami
En savoir plus : Podcasts radio
Capsules vidéos de croquis à découvrir :
Présentation de Bêtes de villes par son éditeur
Le hérisson – Bêtes de villes de Nicolas Gilsoul
L’Oie Bêtes de villes de Nicolas Gilsoul
Le scorpion Bêtes de villes de Nicolas Gilsoul
La Chauve-souris Bêtes de villes de Nicolas Gilsoul
Le sanglier Bêtes de villes de Nicolas Gilsoul
Presse écrite :
Le Monde – Nicolas Gilsoul : « La faune ne revient pas dans les villes avec le confinement, mais on la voit et on l’entend »
Site internet :
www.nicolasgilsoul.com
Instagram
instagram.com/nicolasgilsoularchitecte/
Le premier livre de l’Amiral François Dupont a été accueilli très chaleureusement par les lecteurs Stéphanois qui attendent le prochain tome. L’auteur de «Commandant de sous-marins» s’adresse à eux en premier lieu.
Mon premier salon du livre en tant qu’auteur s’est déroulé en 2019 à Saint-Etienne.. «Commandant de sous-marins» est sorti des presses des éditions Autrement 2 jours seulement avant le début de la Fête du Livre. A Saint-Etienne, j’ai vécu un accueil efficace et bienveillant, 3 journées de rencontres avec des lecteurs de tous horizons pour un bel échange d’expériences riches de vie et d’ouverture sur le monde. Saint Etienne est pour moi un moment inoubliable.
6 mois plus tard la foudre s’est abattue sur le monde et sur notre pays. Un péril que l’on croyait éloigné à jamais en ces temps de l’homme augmenté. Un minuscule virus et nous ne sommes plus rien. Il faut se confiner, seule parade pour éviter le drame. Qu’en est-il alors de notre vie avec les autres? De notre liberté d’aller et venir? Des nourritures terrestres certes, de l’esprit et de l’âme encore plus nécessaires en ces temps de tempête.
Quelle bonne idée que cette Fête du Livre à la maison face à tous les lecteurs, que je salue!
Quelles sont vos expériences et votre compréhension « intime » du confinement en tant que commandant de sous-marins?
On me questionne beaucoup sur le confinement et sur la manière de le vivre le mieux possible. Il y a entre le confinement que j’ai vécu à bord d’un sous-marin et celui que nous vivons quelques différences.
La première est que notre confinement Covid est un confinement imposé alors que le nôtre, lorsque nous sommes en mission, est un confinement volontaire et que nos esprits s’y sont préparés.
Notre cerveau déteste l’incertitude
La deuxième différence et non des moindres est celle du temps. Lorsque nous partons pour une patrouille de 70 jours, nous savons que ce sera 70 plus ou moins quelques jours mais notre cerveau, qui déteste l’incertitude, fixe implicitement la date du retour. Pour le Covid, lorsque nous avons été confinés, la première borne fixée apparaissait sous la forme suivante: «au moins jusqu’au …». Puis le doute a envahi les esprits. La dernière intervention présidentielle a fixé une échéance: nos cerveaux ont trouvé dans ces paroles un motif d’apaisement.
Troisième différence, l’ambiance générale anxiogène, relayée notamment par les chaînes d’info en continu qui contribuent, peut-être malgré elles, à renforcer cette anxiété. Lorsque nous partons en mer nous savons que nous allons courir des risques mais ceux-ci ne provoquent pas d’anxiété. Ou alors, si c’est le cas, il faut changer de métier.
Quatrième différence enfin, les sous-mariniers ne sont pas confinés seuls, ce qui n’est malheureusement pas le cas de nombre de nos compatriotes.
Quelles sont les similitudes, si elles existent?
Avant tout, le confinement à bord d’un sous-marin est un confinement protecteur. Sans coque épaisse résistant à la pression, pas de vie sous-marine et si le confinement vient à défaillir, nous sommes en danger. Ainsi en est-il du confinement Covid qui est à la fois imposé pour que chacun soit à l’abri d’une possible contamination et pour que l’ensemble de la population soit le moins en risque immédiat possible.
Deuxième similitude, celle de la mission. La mission du sous-marin est clairement définie et c’est pour chacun d’entre nous la raison de notre acceptation de cette vie si particulière. Ainsi en est-il aussi de cette mission que l’on confie à chaque Français pour la réussite de l’ensemble de la nation: limiter au mieux la contagion. Confinés nous sommes en mission.
Quelles sont les clés que pour que chacun d’entre nous réussisse son confinement?
Première clé: rythmer le déroulement de sa vie. A bord d’un bateau, c’est le règne du temps long. Il est donc indispensable d’organiser et de fractionner ce temps. Maintenant je travaille. Cet après-midi je me consacre à une autre activité, différente. Et cette nuit je me repose. Et chacune de ces activités de nature différente est rythmée par des bornes dont les plus faciles à mettre en place sont les heures des repas. A 300 mètres d’immersion ou dans son appartement, les heures des repas doivent être considérées comme sacrées. Enfin, toujours dans ce même esprit du rythme il faut s’accorder un déroulement de journée qui sera différent des autres jours pendant le week-end.
Deuxième clé: tenir compte de la météo. On sait combien est importante la météo du ciel et de la mer pour un marin. A 300 mètres il y a une météo encore plus importante, celle des hommes. Celle de l’équipage considéré dans son ensemble et celle aussi de chacun. Nous savons par exemple que passer Noël en mer se traduira par une météo moins ensoleillée. Et l’on sait aussi que la météo de chacun n’est pas toujours synchronisée avec celle des autres. A bord le médecin, au-delà des maladies courantes, a cette fonction essentielle de mesurer l’ambiance et donc la disponibilité d’esprit de chacun. Ainsi en va-t-il de nos journées de confinement. Si aujourd’hui est plus difficile, demain ira mieux.
Troisième clé: rester branché à la vie du monde. A 300 mètres l’état-major à terre nous adresse tous les jours une revue de presse. Avec cette particularité qu’il n’annonce pas de nouvelles qui pourraient inquiéter. Ainsi en a-t-il été des attentats de 2015 et 2016. Seul le commandant a été averti de ces drames, charge à lui de révéler à l’équipage en temps opportun ces événements graves quelques heures avant le retour. Toujours cette préoccupation de maintenir à bord la météo la plus clémente. De ce point de vue-là et comme nous le disions plus haut, l’information continue au cœur de la crise est, à mon sens, délétère. En revanche essayer de prendre de la hauteur en se branchant sur des chaînes qui se fixent pour mission de nous nourrir intellectuellement ne peut être que bénéfique.
Savoir écouter est une philosophie de la vie
Lors de vos mission, les dauphins vous accompagnent-ils? Entendez-vous leurs cris?
Ils sont la vie de la mer. Ils nous parlent. Je me souviens d’une oreille d’or, vous savez ce héros du film «Le chant du Loup» capable d’identifier et de distinguer par la seule musique un cargo russe d’une frégate américaine. Eh bien cette oreille d’or était capable de reconnaître un dauphin entendu quelques jours plus tôt et qui revenait pour essayer de parler à cette étrange baleine. Écouter est une seconde nature pour les sous-mariniers. Elle nous imprègne toute notre vie, même lorsque nous ne sommes plus à 300 mètres. Savoir écouter, une philosophie de la vie?
Quatrième clé enfin: bouger son corps et son esprit. A 300 mètres je m’imposais tous les jours une heure de tapis roulant afin de ressentir une bonne fatigue. Ce temps de confinement peut aussi être le temps de reconnexion avec un peu de gymnastique.
Quant à bouger son esprit, c’est essentiel pour qu’il nous fasse voyager hors de cette coque épaisse et hors de cette immensité océane dans laquelle nous sommes plongés. Alors on peut voir des films bien sûr et des séries. Mais surtout on peut lire. J’ai le souvenir d’une patrouille pendant laquelle j’avais dévoré un ouvrage sur Venise, un gros livre, devenu un rendez-vous journalier, le voyage vers un ailleurs. Actuellement je lis Homo Sapiens acheté en numérique… Retour à nos origines. Réflexion sur la philosophie du monde. Où l’on revient à la Fête du livre à la maison
Vive Saint-Étienne, ses poteaux carrés et sa Fête du livre!
Qu’en est-il du déconfinement que l’on commence à envisager?
Nous savons, au retour de patrouille qu’il va falloir un temps de ré-acclimatation. Nous avons laissé nos femmes coiffer la casquette de chef de famille. Il est hors de question de se réinsérer sans élégance. Deux ou trois jours. Pour retrouver le monde d’avant. Le déconfinement Covid sera plus compliqué car nous ne l’avons jamais pratiqué. Là également il faudra l’intelligence de tous et pas simplement de ceux qui nous gouvernent pour le réussir.
Pour conclure, je voudrais offrir ces quelques lignes avec beaucoup de reconnaissance à tous ceux, auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, sans qui la vie, où que nous soyons, confinés ou pas confinés, sur terre ou sous la mer, serait une vie de confinement pour notre esprit, un confinement insupportable.
Vive Saint-Étienne, ses poteaux carrés et sa Fête du livre!
Pour en savoir plus :
Emission 28 minutes sur Arte
Timothée de Fombelle, Alma le vent se lève, Collection Grand format littérature, Gallimard Jeunesse
Roman illustré par des dessins pleine page en noir & blanc de François Place
Parution prévisionnelle : le 9 juillet prochain
« – Dites-moi, Poussin, reprend le capitaine, si vous n’êtes pas capable d’éviter ce qui ne peut pas arriver, qu’est-ce que je dois attendre de vous pour tout ce qui arrivera forcément ? »
Qui est il?
Timothée de Fombelle est traduit dans le monde entier et reconnu comme l’un des plus grands écrivains de sa génération. En 2006 paraît son premier roman pour la jeunesse, Tobie Lolness. Célébré par de nombreuses récompenses dont le prix Sorcières, le prix Tam-Tam, le prix Saint-Exupéry, ce récit illustré par François Place connaît un succès international. Un conte musical illustré par Benjamin Chaud, Georgia, Tous mes rêves chantent réunit plus tard une pléiade d’artistes : Cécile de France, Alain Chamfort, Emily Loizeau, Albin de la Simone et récolte une nouvelle Pépite à Montreuil tandis que les titres se multiplient. L’artiste qui continue une production spécifique pour le théâtre signe également le scénario d’une bande dessinée réalisée par Christian Cailleaux, Gramercy Park et écrit pour les adultes (Neverland) romans, sagas et écrits pour le théâtre.
Le livre à paraître en deux mots!
Très attendu, Alma le vent se lève, est un chef d’œuvre de Timothée de Fombelle mêlant récit d’aventure et roman d’apprentissage. Pur envoûtement, l’histoire fait revivre à son lecteur ses songes d’enfance, la plasticité et la beauté du monde ainsi que le mystère profond avec lequel il se révèle. Lorsque la sphère familiale ouvre sur de nouveaux seuils, le roman entraîne ses personnages dans un lacis historique où la grande saga des marins, charpentiers et pirates du 18 ème siècle avoisine la révélation des grands espaces parcourus à pieds, arcs et flèches sur le dos. Présents sur tout le parcours et à travers toutes les époques, les chevaux, face à nous, nous attendent et nous guident vers des ailleurs que nous pressentons, quel que soit notre âge. Timothée de Fombelle sera présent à la Fête du Livre de Saint-Étienne. En attendant de découvrir ce merveilleux livre, lisez tous les autres (voir ci-dessous le top 5 des ouvrages de Timothée de Fombelle par les médiathécaires de la ville de Saint-Étienne)
Thimothée de Fombelle vous présente en exclusivité Alma le vent se lève, Collection Grand format littérature, Gallimard Jeunesse, et vous donne rendez-vous en octobre pour la Fête du Livre !
Tobie Lolness, La vie suspendue et Les yeux d’Elisha,
illustrations de François Place, Editions Gallimard Jeunesse
En deux tomes, le monde du peuple de l’arbre déploie ses ramures d’histoires et apprentissages, ses personnages inoubliables. L’art de Timothée de Fombelle s’y révèle. Sublime.
Capitaine Rosalie,
Album illustré par Isabelle Arsenault. Editions Gallimard Jeunesse
Les très attachantes aventures de Rosalie, 5 ans et des poussières dans le tumulte de 1917 : la recherche de la vérité du monde autant que de sa propre identité.
Georgia, Tous mes rêves chantent,
Lu par Cécile de France, illustré par Benjamin Chaud, produit par l’Ensemble Contraste Editions Gallimard jeunesse musique
Une mythique chanteuse de cabaret nous ensorcelle et nous raconte l’histoire de sa vie à travers de merveilleuses chansons.
Le jour où je serai grande, une histoire de Poucette,
iconographiée par Marie Liesse (photographies).
Une immersion dans l’univers de Timothée de Fombelle, lequel accède comme personne aux sensations et sentiments de l’enfance. Editions Gallimard Jeunesse
Vango, Entre ciel et Terre et Un prince sans royaume,
Editions Gallimard
Deux tomes constituent l’ample saga historique de Vango Romano, jeune sicilien poussé dans les années 1930, quittant la beauté des îles éoliennes pour Paris, puis New-York. Une quête haletante et intime à l’échelle mondiale.
Nos locaux :
Association de solidarité internationale, Imhotep est fondée en 2012 par des étudiants de l’ENSASE. Née de la volonté d’apporter l’accès à l’eau dans des pays défavorisés, de développer des projets humanitaires, elle vise à la démocratisation d’une architecture durable et responsable en proposant des workshops autour de l’utilisation de matériaux biosourcés et un cycle de conférences annuel au sein de l’école, autour des notions d’architecture, de voyage, de paysage. En septembre 2019, l’association a recentré ses actions sur le territoire stéphanois, s’associant avec la Ligue de l’enseignement sur le projet ECLAIRE dont l’objectif est de créer de nouveaux lieux de participation citoyenne au sein des amicales laïques.
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