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Notre parrain

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Philippe Besson 

Philippe-Besson-©-David-Morganti,-2023Dramaturge et scénariste français, également critique littéraire et animateur de télévision, Philippe Besson est l’auteur d’une vingtaine de romans, dont Son frère et Arrête avec tes mensonges (tous deux adaptés au cinéma par Patrice Chéreau), L’Arrière-saison récompensé par le Grand Prix RTL-Lire 2003 ou encore Un garçon d’Italie sélectionné pour les Prix Goncourt et Médicis.
Philippe Besson sera le parrain de la 38e édition de la Fête du Livre et présentera son dernier roman Un soir d’été, paru aux éditions Julliard, inspiré d’une histoire vécue.

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« J’écris des livres comme les comédiens interprètent des rôles »

Romancier d’abord, mais également auteur de scénarii pour la télévision et le cinéma, Philippe Besson est le parrain de la 38è Fête du Livre, qui se tiendra à Saint-Étienne du 11 au 13 octobre. Entretien avec un auteur sensible, qui se plaît à façonner des personnages pour construire des histoires profondément humaines.

Vous avez accepté d’être le parrain de cette 38è Fête du livre de Saint-Étienne. Quel est votre rapport à ce type d’événement et pourquoi avoir accepté cette invitation ?
Quand on écrit, on est dans une grande solitude et dans un grand silence. C’est le principe. On est seul avec l’histoire, avec les personnages. C’est un long moment d’isolement, de claustration, de retrait du monde extérieur. Et un jour, on finit par publier, et le livre va au dehors. Il va à la rencontre des lecteurs. Le seul moyen qu’on a, nous, auteurs, de sortir précisément du silence et de la solitude, c’est de rencontrer les lecteurs. Le deuxième élément, c’est qu’on écrit sans savoir. Sans savoir ce que les gens pensent, sans savoir si ce qu’on a écrit les a émus, les a percés, les a agacés, les a questionnés, etc. Rencontrer lectrices et lecteurs, c’est le seul moyen d’avoir une réponse à cette question-là. C’est le grand intérêt des fêtes et des salons : avoir en face de nous des gens qui nous sortent de notre silence et de notre solitude, et avoir leur retour sur ce qui les a touchés. Il y a un partage d’intimité qui se joue. Et moi, j’aime bien ces moments-là. J’aime bien la foule. J’aime l’idée de fête. J’aime l’idée de réunir. Je serai donc heureux d’être le parrain de la Fête du Livre de Saint-Étienne 2024.

Les ventes (ou non) viennent, malgré tout, sanctionner vos écrits. Ce n’est pas un bon indicateur ?
Il ne faut pas se tromper. Évidemment, le succès est agréable. Mais il permet surtout de continuer à écrire. Il vous dit juste qu’effectivement, le livre s’est vendu. Mais il ne vous dit rien de la raison pour laquelle les gens l’ont aimé. Et puis, vous pouvez avoir vendu un livre que les gens n’ont pas aimé ou n’ont pas compris. Et le coup d’après, ils seront moins présents parce que vous les avez déçus. Donc, le succès, c’est une garantie de pas grand-chose. Il faut s’en réjouir. Mais je m’en méfie aussi.

« Le succès, c’est une garantie de pas grand-chose »

Vous avez un parcours atypique. Diplômé d’une école de commerce, vous avez été DRH dans un grand groupe, secrétaire général d’un institut de sondage. Qu’est-ce qui vous a amené à la littérature ?
À la fois le hasard et la nécessité, si je puis dire. J’ai toujours eu beaucoup d’imagination. Petit, je n’arrêtais pas de raconter des histoires. Et ma mère me disait « Arrête avec tes mensonges », qui est devenu, plus tard, le titre d’un de mes livres. J’ai commencé à écrire quand j’avais 17 – 18 ans. Puis j’ai renoncé quand je me suis engagé dans les études, et dans l’univers professionnel. Les hasards de la vie ont fait que j’ai recommencé. Des lettres d’abord, à une même personne, pendant 10 ans, par l’intermédiaire d’une relation épistolaire assez fournie. Puis écrire un livre ne m’a pas paru insurmontable. Et ça s’est produit.

C’était quoi, le déclic ?
J’étais, à ce moment-là, loin de mes bases, à Montréal, au Canada. Je dormais dans une chambre d’hôtel. J’étais seul, triste aussi, parce que je sortais d’une rupture sentimentale. Et la somme de ça, l’éloignement, la tristesse, le décalage horaire, la chambre d’hôtel, l’imagination en mouvement, une histoire qui tournait dans ma tête, a été l’élément déclencheur. Je suis allé dans un bar. Et j’ai commencé à écrire : « J’ai 16 ans, je suis né avec le siècle. » C’est la première phrase de mon premier livre. Il s’intitule « En l’absence des hommes ». J’ai commencé à l’écrire à l’automne 1999. Je l’ai envoyé à plusieurs maisons d’édition. C’était en 2001, il y a donc de ça donc 23 ans. Il a été publié chez Julliard, la maison d’édition de Françoise Sagan, une auteure qui m’est chère.

Vous avez préfacé d’ailleurs une réédition d’un ouvrage de Françoise Sagan…
Oui, « Bonjour tristesse ». En 2024, c’est les 70 ans de la publication de ce livre. On commémore également les 20 ans de la mort de Françoise Sagan. Julliard, qui détient toujours les droits, m’a demandé la préface. Je l’ai fait avec plaisir parce que c’est un livre important pour moi. « Bonjour tristesse », c’est un livre charmant et léger. C’est l’été, les bagnoles, le bord de mer, la corniche. Le père un peu Dom Juan, la maîtresse en arrière-plan. Sauf que tout ça vire au drame, à la tragédie. « Bonjour tristesse », c’est un précis de cruauté, de férocité. C’est un manuel pour apprendre à se débarrasser de quelqu’un. J’ai été impressionné par ce livre et j’en ai tiré une leçon : on peut écrire des drames… en n’ayant pas l’air d’en écrire. On peut écrire des tragédies qui sont charmantes et légères. C’est un enseignement que je n’ai pas oublié. Ce livre continue d’être un guide pour moi.

De romans de fiction, vous êtes passé avec « Un soir d’été », votre dernier livre, à l’autobiographie. Qu’est-ce qui vous a poussé à parler de vous ?
Longtemps, je n’ai écrit que des romans. Et ça m’allait très bien. J’écris des romans pour me glisser dans la peau de personnages que je ne suis pas, pour vivre des histoires. Au fond, j’écris des livres comme les comédiens interprètent des rôles. Je n’avais jamais eu l’envie, le désir, l’ambition de faire de faire un travail mémoriel, personnel, intime. Pourtant, j’adore ça en tant que lecteur. J’ai lu Duras, j’ai lu Rimbaud, qui sont des écrivains de l’autofiction. Pas que, mais beaucoup. Mais en tant qu’auteur, je me disais : « non, ce n’est pas pour moi ». C’est venu avec « Arrête avec tes mensonges » parce qu’à ce moment-là, j’apprends la mort de quelqu’un qui a compté pour moi et que cette disparition déclenche l’écriture. Et donc, pour la première fois, en 2016, j’écris un texte autobiographique, autofictionnel. Et ça a ouvert une porte chez moi. Je me suis dit que, peut-être, quand on raconte des histoires très proches de soi, on peut avoir la possibilité de toucher les gens parce qu’ils vont se reconnaître dans ce que vous écrivez.

«Un soir d’été » est l’histoire, votre histoire donc, d’une bande d’amis dans l’insouciance de l’adolescence qui se retrouvent en vacances et qui vont vivre un traumatisme. Quand et comment vous êtes-vous décidé à la raconter ?
Cet épisode de ma vie me poursuivait depuis longtemps. Depuis l’été 85 précisément. J’étais dévoré depuis des années par le remord ou une forme de culpabilité : quelque chose s’est produit cet été-là que nous n’avons pas pu, pas su empêcher. Quelqu’un était là avec nous et il a disparu. Et les disparus, vous savez, ça vous hante, ça vient vous lécher les pieds la nuit, ça vient vous demander des comptes. C’est pour cela que j’ai voulu raconter cette histoire.

« Les disparus, vous savez, ça vous hante, ça vient vous lécher les pieds la nuit, ça vient vous demander des comptes »

La disparition est un thème qui revient beaucoup dans vos livres. Pourquoi ça ?
Pour une raison assez simple : les hasards de la vie ont fait que j’ai perdu beaucoup de gens. Voilà. Et à des âges où on ne doit pas les perdre. À 20 ans, 25 ans, 30 ans. Pendant longtemps, si je voulais les voir ces gens-là, il fallait que j’aille dans les cimetières. J’ai fait connaissance avec la disparition très tôt et très violemment dans ma vie. Et cette question me poursuit. Ce disparu de l’été 85, dans « Un soir d’été », c’est le premier qui s’en va. C’est le premier qui fait défection. Je l’ai raconté. Mais sans tristesse.

Et pourtant, c’est d’une tristesse infinie, de perde des proches, à des âges où ils ne doivent pas partir. Or, dans votre écriture, on ne ressent pas cette tristesse. J’imagine que c’est une volonté ?
Oui, car les morts, avant d’être des morts, ont été des gens vivants. Et il faut se souvenir des vivants. Il faut se souvenir qu’ils ont été là, solaires, lumineux, merveilleux, magnifiques, insouciants, indolents, oisifs, joyeux, désirants. Tout ça. C’est ça qu’il me fallait restituer dans « Un soir d’été ». Et puis, dans ce roman, je voulais parler de l’été. Je voulais parler de la lumière, de la chaleur, des plages, du sable qui colle aux chevilles, de la crème solaire, des gens qui jouent au frisbee, de la fraîcheur de l’eau. Je voulais parler d’une époque aussi, celle des années 1980. Celle de Jeanne Mas, Étienne Daho et Modern Talking. Celle des cabines téléphoniques. Celle des bistrots peuplés de flippers et de babys-foot.

Un brin de nostalgie, là derrière ?
Oui, forcément. Je l’assume. C’est normal, ce fut un temps heureux. S’en souvenir, c’est encore être heureux. C’est une cure de jouvence. Pas d’Internet, pas de téléphone. On n’était pas rattrapé, sans cesse, par le monde extérieur. On n’était pas violentés à chaque heure, chaque minute, par l’actualité, par le monde qui allait mal. Et puis on avait 18 ans. Notre seule ambition était d’aller à la plage l’après-midi, de boire des bières le soir venu avant d’aller danser en boîte de nuit. Ce qui comptait, c’était l’instant. J’ai voulu me souvenir de tout ça, de cette période de la vie avant le basculement, quand on est encore parfaitement idiot, joyeux et indolent. J’ai profondément aimé ce temps-là et je le regrette parce que c’était quand même rudement bien ! Donc oui, il y a de la nostalgie.

Depuis ce déclic d’« Un soir d’été », votre vie et votre histoire sont-elles devenues des sources d’inspiration pour vos projets futurs ?
Il y aura à nouveau, c’est sûr, des textes autobiographiques, parce qu’il y a encore deux, trois choses à raconter. Mais puiser dans sa mémoire ne suffit pas. Il faut faire littérature. Ce qui m’importe, ce n’est pas de raconter mon histoire, parce qu’au fond, elle n’est pas très importante. Mais c’est de raconter une histoire qui touche, en laquelle les gens se reconnaissent. L’écrit autobiographique doit pouvoir tendre un miroir, faire écho avec les gens. Mais là, pour l’instant, je suis en train d’achever un nouveau livre qui, même s’il est inspiré par le réel, sera dans une logique romanesque.

«  Ce qui m’importe, ce n’est pas de raconter mon histoire, mais de raconter une histoire qui touche, en laquelle les gens se reconnaissent »

Vous écrivez aussi des scénarii pour le cinéma et la télévision, c’est une envie de toucher à tout ?
C’est une diversion, un divertissement. Ce qui compte pour moi, c’est d’écrire des livres. C’est ma colonne vertébrale, mon identité. Ça n’appartient qu’à moi. Quand on me demande d’écrire des scénarii, c’est un pas de côté. On vient me voir avec une idée qui n’est pas la mienne. Et j’aime bien répondre au désir d’un autre ou d’une autre. Par ailleurs, le cinéma, la télévision, c’est un lieu de contraintes. Des contraintes de temps (un téléfilm, c’est 1h30). Et de budget aussi. Un écrivain peut commencer une histoire en détruisant San Francisco, suite à un tremblement de terre. Je l’ai fait dans « Les passants de Lisbonne ». Au cinéma, ça coûte cher, de détruire San Francisco ! C’est un exercice intéressant, de trouver des subterfuges, des moyens de raconter votre histoire malgré tout. Enfin, c’est formidable parce que c’est incarné. Des acteurs jouent le texte que vous avez écrit. Il est oralisé. J’ai eu la chance d’écrire pour Fanny Ardant, Jeanne Moreau, Charles Berling. C’est plaisant de les entendre jouer vos textes.

Vous avez écrit plus d’une vingtaine d’ouvrages. Lequel conseilleriez-vous à quelqu’un qui n’a jamais lu Philippe Besson ? Par quoi commencer ?
Je dirais qu’il faut commencer par « Arrête avec tes mensonges » ou par « Paris-Briançon ». Le premier parce que c’est la clé, grosso modo, de tout mon parcours littéraire. Quand on lit ce livre, on comprend ceux que j’ai écrits derrière. Si vous aimez le jeune homme qui vient se présenter à vous dans « Arrête avec tes mensonges », vous aimerez le reste. Sinon, vous n’aurez pas envie de poursuivre. C’est assez simple ! Le deuxième, « Paris – Briançon », est un livre qui revient souvent, quand on évoque ce que j’ai écrit. Avec lui, a priori, tout le monde entre facilement dans l’histoire. Tout le monde embarque à bord de ce train de nuit dans lequel il va arriver quelque chose. Dans les premières pages, je préviens le lecteur : “je vous présente une douzaine de passagers, ne vous attachez pas trop, car certains seront morts au petit matin”. Ce livre, qui a beaucoup plu, me semble être aussi une bonne entrée en matière.